Le hashtag #couplegoals fait fureur sur les réseaux sociaux depuis quelques années. Derrière ces deux mots se cache l’idée du couple parfait, celui vers lequel tous les amoureux devraient tendre. Les photos de voyage, les déclarations enflammées et les moments de complicité qui pullulent sous ce mot-dièse véhiculent l’image d’une relation idéale où tout est rose.
Pourtant, cette quête effrénée de la perfection a-t-elle vraiment du sens ? Ne renforce-t-elle pas les complexes et les inquiétudes de celles et ceux qui ne correspondent pas à ce modèle ? Derrière le vernis des images retouchées se cachent souvent des failles soigneusement dissimulées.
Examinons ce que recouvre réellement cette notion de « couple goal », quels en sont les travers et les bienfaits potentiels. Comment comprendre ce besoin de montrer au monde entier à quel point notre relation est incroyable ? Peut-on vraiment calquer notre couple sur un modèle unique valable pour tous ? Autant de questions qui méritent d’être posées.
Table des matières
Qu’est-ce qu’un « couple goal » ?
La traduction de l’expression
« Couple goal » ou « couple goals » est une expression anglophone qui signifie littéralement « objectif(s) de couple ». En français, on pourrait parler de « couple idéal » ou de « relation parfaite ». L’idée sous-jacente est qu’il existerait un modèle unique de couple, une sorte de Graal vers lequel tous les amoureux devraient tendre. Bref, LE couple parfait que nous devrions tous essayer d’incarner.
Les caractéristiques du couple goal
Concrètement, un couple goal se caractérise par :
- Une relation très fusionnelle
- Beaucoup de complicité et de fous rires
- Des photos esthétiques lors de voyages paradisiaques
- Des déclarations d’amour enflammées
- Des clichés de Saint-Valentin et autres célébrations ultra-romantiques
- Des projets communs ambitieux (mariage, enfant, tour du monde…)
Bref, sur Instagram ou les autres réseaux, les couples goal affichent une relation qui semble parfaite, où tout est rose et lumineux. Forcément, quand on regarde ces images retouchées, on ne peut s’empêcher de trouver notre propre couple fade en comparaison…
Le profil type du couple goal
Les couples goal sont souvent plutôt jeunes, ayant la trentaine. Ce sont des millennials hyper-connectés, rompus aux codes des réseaux sociaux. Ils maîtrisent les filtres Instagram et les hashtag Tendance.
On trouve certes quelques couples quadragénaires, mais c’est plus rare. Les stars internationales comme les Beckham font pourtant figure d’exception. Même après 20 ans de mariage, ils cultivent leur image de couple goal !
Côté orientation sexuelle, la majorité des couples goal sont hétérosexuels. Mais on observe une montée en puissance des couples homosexuels masculins ou féminins qui adhèrent aussi au concept.
Pourquoi exhiber ainsi son couple ?
Derrière cette frénésie à montrer son amour au monde entier se cachent plusieurs motivations, pas toujours très saines…
Besoin de reconnaissance
Le besoin de reconnaissance est central chez l’être humain. En dévoilant des photos intimes, les couples goal cherchent inconsciemment une validation de leur bonheur. Ils attendent les likes et les commentaires élogieux. Bref, ils se nourrissent du regard des autres pour asseoir l’épanouissement de leur relation.
Peur du jugement
À l’inverse, poster régulièrement des photos de couple permet aussi de contrer d’éventuelles critiques. « Regardez comme on est heureux ! » sous-entend clairement « Notre couple est solide, inutile de remettre cela en question ! ».
Exhiber son amour, c’est une façon de clouer le bec aux mauvaises langues. De faire taire les jaloux qui vous envient ou les proches trop intrusifs.
Besoin narcissique
Certains psys évoquent carrément un besoin narcissique. Se mettre en scène en permanence, susciter l’admiration et la jalousie relèverait de tendances narcissiques. Le couple devient accessoire, simple faire-valoir pour assouvir un ego surdimensionné.
Manque de confiance en soi
À l’inverse, d’autres experts y voient un manque de confiance en soi. Les photos ultra-romantiques serviraient alors de doudou numérique. Elles sont une preuve que l’on est aimable, désirable, quelqu’un de bien. Bref, une béquille pour des ego fragiles en quête de réassurance.
Les travers de cette quête effrénée
Cet engouement pour le couple goal a certes quelque chose de rafraîchissant. Il redore le blason de l’amour, trop souvent abordé sous l’angle de l’échec. Néanmoins, cet idéal a aussi son lot d’effets pervers.
Une vision superficielle de l’amour
La dimension esthétique et « instagrammable » prédomine dans le couple goal. On en oublierait presque que l’amour est avant tout une affaire de sentiments et d’intimité partagée. Ce qui prime, c’est de montrer au monde à quel point on est beau, bronzé et épanoui.
Le risque de la désillusion
En calquant son couple sur un modèle unique, on prend le risque de la désillusion. Un jour ou l’autre, les failles ressortiront. Et là, gare à la grande déception de celles et ceux qui croyaient dur comme fer avoir atteint la perfection !
Une vision genrée de la relation
Dans certaines photos, on sent poindre une forme de sexisme ordinaire. La femme objet de désir, l’homme conquérant et dominant… Bien loin de l’idéal égalitaire ! Ce n’est pas systématique mais cela arrive.
Le poison de la comparaison
En s’abreuvant des photos de couples goals, on prend le risque de la comparaison. Inévitablement, on trouvera notre propre relation fade ou notre conjoint bien moins séduisant… De quoi insuffler frustration et insatisfaction.
Quid de l’intimité ?
Enfin, en exposant à outrance sa vie privée, on en vient à négliger le jardin secret de l’intimité. Hors cette part d’ombre et de non-dit est précieuse pour préserver la magie du couple. Mieux vaut parfois « vivre caché pour vivre heureux »…
Les aspects positifs du phénomène
S’il faut se méfier des travers du « couple goal », le concept recèle aussi quelques aspects stimulateurs.
Redonner ses lettres de noblesse à l’amour
Le couple goal remet au goût du jour les grands sentiments. Il célèbre l’amour, la passion, la complicité. Autant de notions positives qui méritent d’être mises en avant après des décennies de discours misérabiliste sur le couple.
Valoriser le travail sur la relation
La quête du couple idéal met en lumière la nécessité d’entretenir sa relation. Comme un jardin, l’amour demande arrosage et désherbage régulier. Le couple goal rappelle cette évidence trop souvent oubliée.
Se (re)fixer des objectifs
Pour de nombreux couples, le concept de « couple goal » a servi d’électrochoc. Ils se sont rendu compte qu’ils végétaient dans une forme de routine éteignant progressivement la flamme. D’où l’intérêt de se fixer de nouveaux objectifs : voyage, bébé, sport…
S’inspirer des autres sans les copier
Enfin, il est possible de trouver de l’inspiration dans les photos de couples heureux. Mais attention : chacun doit inventer SA propre recette du bonheur, en accord avec ses aspirations profondes. Pas de copier/coller dans l’absolu. Sinon gare à l’effondrement !
Peut-on vraiment viser la perfection en amour ?
Au fond, la quête du couple parfait relève de l’oxymore. Comment atteindre un idéal inaccessible ? Doit-on vraiment calquer notre relation sur un modèle unique ?
Accepter la part d’ombre
Dans toute relation de couple cohabitent ombre et lumière. Personne n’échappe aux disputes, aux blessures, aux rancœurs. Même les couples goals ! Viser un amour « parfait » revient à nier cette part sombre inhérente à toute intimité.
Trouver son propre équilibre
Chaque couple doit inventer son équilibre singulier en fonction des aspirations de chacun. Certains carburent aux grands projets quand d’autres préfèrent la douceur d’une relation cocooning. À chacun de savoir ce qui lui correspond vraiment.
Remettre l’amour au centre
Plutôt que de viser la perfection, mieux vaut recentrer son attention sur l’essentiel : ses sentiments. Sont-ils toujours là malgré les années ? Arrive-t-on encore à se surprendre et à entretenir la flamme ? Si oui, c’est que le couple est sur la bonne voie.
S’aimer soi avant de s’aimer à deux
Enfin, la quête éperdue du grand amour peut cacher des failles personnelles. Avant de se mettre en couple, mieux vaut apprendre à s’apprécier soi-même. Sinon, le manque risque de réapparaître sous d’autres formes…
Conclusion
Le « couple goal » met en lumière nos quêtes inassouvies en matière d’amour. En filigrane perce l’espoir un peu vain de combler toutes nos blessures relationnelles grâce au partenaire idéal.
Pourtant, celui-ci n’existe pas. Chaque couple est unique et possède ses forces et ses failles. Plutôt que de viser un idéal inatteignable, mieux vaut cheminer à son rythme en cultivant la bienveillance envers soi-même et son ou sa partenaire.
L’amour ne se décrète pas, il se construit patiemment. Alors prenons le temps de l’apprivoiser, avec ses hauts et ses bas. Et gardons en tête cette maxime de Carl Gustav Jung : « L’amour parfait exclut le jugement.